Pour ce projet aux dimensions et aux formats inédits, nous avons pris deux ans pour parcourir et traverser différents sols.
Nous aurons fait un certain nombre de marches et démarches d’approche.
On aura été étrangères. Il y aura eu autant d’hospitalité que d’hostilité.
Nous avons rencontré les habitants et pratiquants de ces bouts de pays. Nous avons enregistré leur perception de ces paysages plus ou moins familiers.
On nous aura fait voir. On aura écouté et discuté, pour confronter et nourrir notre conception de la tache avec eux et avec d’autres.
Nous avons pu faire un certain apprentissage, quant au partage du territoire avec d’autres –humains et non humains.
Nous aurons pu en saisir quelques usages. On aura demandé la permission, négocier et parfois changé de direction.
On a pu écrire et dire ceci : Immersion #1 Immersion #2 Immersion #3 Immersion #4 Immersion #5 Immersion #6 Immersion #7 Immersion #8
Je suis rentrée rose, jaune, brun, vallée verte et escarpée. On nous aura parlé des mouvements du ciel, de ceux des glaciers, de celui des vaches au grès des saisons, du mouvement des myrtilles aussi. On aura traversé un peu de ce pays en bonne compagnie, parfois seuls, avec ou sans carte, de quoi éprouver ses pans, ses lignes, ses premiers plans comme ses arrières. Parler à chacun, j’avais oublié.
Les falaises ont fait leur travail de frontières grises et verticales. Nous les avons longées, mais pas franchies. Même les routes étaient fermées ! Il est peut-être plus facile d’être en bas, dans le paysage doux du piémont. D’ici on peut rêver à ce qu’il se trame sur ces plateaux, où sont les passages, qui descend, qui monte ?
Nous avons pu écouter les histoires de plis et de contre plis de la croûte terrestre du Royan avec René Costarella, géologue. Nous sommes partis à la tombée de la nuit avec François Arod, naturaliste faire une balade du côté du Col de Carri à la quête du chant de la chouette hulotte. Avec un certain nombre de bras et notre tache voile rose réconfortante, nous avons pu voir se soulever des lignes de crêtes, des ondulations, des tensions et des respirations plus ou moins fluides de notre surface textile…
Les couleurs ont à peine changé, il faut un peu de temps pour voir que les roses ne sont pas tout à fait au même niveau de la pente, ce rose c’est une graminée, pas la bruyère/ la callune.
Les taches nous servent de repères en surface, dans les épaisseurs, dans le temps plus ou moins immédiat. J’aime l’idée de la tache utilitaire, qu’elle ne soit pas qu’objet de contemplation mais bien /aussi un outil d’action.
Cohabiter avec la poussière ou comment le paysage recouvre la ville. Il y a ce glissement de la montagne de près comme de loin et ses couleurs blanches, grises, peut-être un peu rosées, beiges, qui cognent au bleu du ciel, au bleu de la mer.
J’ai longtemps pensé être (du coté) calcaire, blanche, tranchante, crissante aux pieds, vide. Surtout être de ces soleils implacables au bleu du ciel tout aussi terrible. Et puis… me voilà calcaire, reconnaissant les arrondies et les douceurs du terrain, la verdure et les mystères de ces humidités. (A vouloir être) ce cailloux posé comme les vaches, à être moins seule aussi.
A savoir quelle relation mener avec ces matières, à savoir quelle relation mener avec le vent ? Trouver du repos, interagir sans force, malgré le vent et sa puissance, malgré la charge des taches, la longueur des perches. Utiliser son bassin pour adapter rapidement sa position. S’exercer au contre poids.